Tuesday, October 1, 2019

Une réforme inutile


La Coalition Avenir Québec a fait l'abolition des commissions scolaires l'une de ces promesses phares. Les commissions scolaires seraient remplacées par des centres de services.   Idée inconsidérée héritée de la défunte Action Démocratique du Québec., Populaire chez les francophones l'abolition ne fera guère de vagues chez ces derniers. Les anglophones demeurent attachés à l'institution peut-être parce qu'il s'agit d'un gouvernement de proximité qui leur demeure propre et dont ils conservent encore la gouvernance.
Certains croient déjà que la question de l'abolition des commissions scolaires constituera «la» question politique de l'automne. Michel David du Devoir écrit: «Le gros morceau la session qui reprendra la semaine prochaine à l'Assemblée nationale sera le projet de loi sur la gouvernance scolaire. Au sein de la majorité francophone, l'abolition des commissions scolaires et leur remplacement par des centres de services relevant directement du ministère l'Éducation ne causeront pas un psychodrame analogue à celui du débat sur la laïcité. Il n'en ira pas de même du côté anglophone. Un sondage Léger mené en mars dernier indiquait que 80% des anglophones s'opposaient à cette abolition, et l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec n'excluait pas un recours aux tribunaux, même si son président, Russell Copeman, a dit préférer une solution politique. (Le prochain psychodrame, Le Devoir, 10 septembre).


L'abolition des commissions scolaires traîne dans le paysage québécois depuis une dizaine d'années, c'est une idée démagogique et irréfléchie que nous devons à la défunte Action Démocratique du Québec (ADQ). La CAQ a repris l'idée probablement plus pour son caractère populaire que pour sa véritable pertinence. Nourrie par des gros titres à saveur sensationnaliste sur les dépenses somptuaires de certains commissaires lors de congrès ou lors de séjours à l'étranger et le faible taux de participation aux élections scolaires, l'idée de l'abolition a fait son chemin sans jamais faire l'objet d'un véritable débat. Elle revient à l'avant-plan avec l'accession au pouvoir de la CAQ. Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge (voir ce blogue, tout un ministre, 23 septembre) peut-être envieux de la notoriété dont jouit son collègue Simon Jolin-Barrette suite à l'adoption de la Loi 21, semble avoir l'intention de porter le ballon jusqu'à l'abolition des commissions scolaires, un geste politique inconsidéré si l'on songe que le gouvernement envisage de réouvrir la Loi 101, pourquoi ouvrir deux fronts avec la communauté anglophone sinon pour rouler des mécaniques et jouer les bravaches devant l'électorat francophone, à vaincre sans Périls, on triomphe sans gloire. L'abolition des commissions scolaires peut attendre, la Loi 101 est essentielle à la survie du Québec français. En allant de l'avant avec son intention d'abolir les commissions scolaires Jean-François Roberge fournirait la preuve qu'il n'est qu'un idéologue après sa volonté d'implanter les « maternelles quatre ans» sans disposer des locaux et des enseignants-éducateurs nécessaires à ce projet.  

Ne comptons pas sur François Legault et Jean-François Roberge pour réfléchir aux conséquences de l'abolition des commissions scolaires au-delà du « doigt d'honneur » fait aux anglophones du Québec, tentons de faire l'effort de cette réflexion.

Dans un plan de gouvernance scolaire, produit par la CAQ, diffusée à compter janvier 2018, Jean-François Roberge qui n'était à l'époque que critique pour les dossiers d'immigration de la « deuxième opposition » officielle écrivait:» Les idées et prises de position de ce document visent à donner davantage d'autonomie aux écoles afin d'offrir de meilleurs services aux élèves. Les problèmes de gouvernance des commissions scolaires et de manque de légitimé des commissaires constituent des sujets depuis plus de 10 ans. [...] Pourtant, une réforme de la gouvernance du réseau représente la solution à de nombreux problèmes structurels qui affligent le système de l'éducation québécois ; au premier chapitre, les délais pour l'obtention de services pour nos élèves ainsi que le manque de latitude et de flexibilité dont pourraient jouir nos écoles et ceux qui y travaillent. [...] Un gouvernement responsable doit prendre des décisions non pas en fonction de la prochaine élection, mais en fonction de la prochaine génération. Cela commencera par remettre l'école entre les mains de sa communauté. Libre à Jean-François Roberge de pérorer et croire à ses envolées. Nous demeurons sur notre quant-à-soit et nous nous demandons quelle sera la portée de cette remise de nos écoles aux communautés, pas de question sur la nature de ces communautés. Que représenterons géographiquement ces « communautés », villages, villes, arrondissements, quartiers? Seront-elles tributaires la composition ethnique de l'unité géographique retenue. Dans son « plan de gouvernance scolaire », J.-F. Roberge écrit qu'il souhaite remettre entre les l'école entre les mains de sa communauté.

Ses écoles remises « entre les mains de leur communauté » soulèvent de légitimes questions sur le caractère national de la formation dispensée par les dites écoles et leurs centres de services? Question peut-être prématurée compte tenu de l'état du dossier, comment seront choisis les programmes et les manuels scolaires, J.-F. Roberge peut-il assurer les élèves québécois et leurs parents de l'uniformité de la formation reçue à travers le territoire québécois, uniformité importante dans le contexte de la mobilité d'une partie de la population québécoise, uniformité importante aussi lors de la sélection et l'entrée dans les institutions d'enseignement supérieur (CEGEPs et universités). Si des réponses satisfaisantes ne sont pas données à ces questions, l'autonomie se transformera rapidement en atomisation du réseau d'enseignement québécois (avec autant de formations que d'établissements et de communautés.).       une atomisation qui ne pourra paradoxalement que renforcer le rôle du ministère de l'Éducation. Face à ces centres de services,  À l'heure actuelle les commissaires scolaires peuvent encore opposer leur légitimité démocratique au pouvoir des fonctionnaires du ministère. Cet utile contrepoids empêche peut-être notre ministère de l'Éducation de devenir à l'image du ministère de l'Education nationale en France, un monstre surnommé par certains comme « le Mammouth » en raison de sa lourdeur. Bien qu'élus par un faible pourcentage d'électeurs, les commissaires scolaires demeurent imputables devant les parents, ce qui n'est pas le cas des fonctionnaires du ministère et il faut craindre que les membres des conseils d'établissements ne constituent qu'un bien fâlot contrepoids au ministère. C'est pour défendre une institution de proximité et une manifestation tangible de subsidiarité (Jean-François Roberge connaît-il le mot?) qu'il faut défendre les commissions scolaires. C'est aussi pour empêcher la disparition d'un Québec décentralisé qu'il faut souhaiter la survie des commissions scolaires (Les centres de services risquent fort de n'être que des pantins dans les mains du ministère de l'Éducation).  disparues aussi, à la faveur des fusions de municipalités, de nombreuses municipalités de taille modeste, c'est un tissu social qui périclite au nom de l'efficacité technocratique et du «plus c'est gros, plus c'est bon». 

No comments:

Post a Comment