La Coalition Avenir Québec a fait
l'abolition des commissions scolaires l'une de ces promesses phares. Les
commissions scolaires seraient remplacées par des centres de services.
Idée inconsidérée héritée de la défunte
Action Démocratique du Québec., Populaire chez les francophones
l'abolition ne fera guère de vagues chez ces derniers. Les anglophones
demeurent attachés à l'institution peut-être parce qu'il s'agit d'un
gouvernement de proximité qui leur demeure propre et
dont ils conservent encore la gouvernance.
Certains croient déjà que la question
de l'abolition des commissions scolaires constituera «la» question
politique de l'automne. Michel David du Devoir écrit: «Le gros morceau
la session qui reprendra la semaine prochaine
à l'Assemblée nationale sera le projet de loi sur la gouvernance
scolaire. Au sein de la majorité francophone, l'abolition des
commissions scolaires et leur remplacement par des centres de services
relevant directement du ministère l'Éducation ne causeront
pas un psychodrame analogue à celui du débat sur la laïcité. Il n'en
ira pas de même du côté anglophone. Un sondage Léger mené en mars
dernier indiquait que 80% des anglophones s'opposaient à cette
abolition, et l'Association des commissions scolaires anglophones
du Québec n'excluait pas un recours aux tribunaux, même si son
président, Russell Copeman, a dit préférer une solution politique. (Le
prochain psychodrame,
Le Devoir, 10 septembre).
L'abolition des commissions scolaires
traîne dans le paysage québécois depuis une dizaine d'années, c'est une
idée démagogique et irréfléchie que nous devons à la défunte Action
Démocratique du Québec (ADQ). La CAQ
a repris l'idée probablement plus pour son caractère populaire que pour
sa véritable pertinence. Nourrie par des gros titres à saveur
sensationnaliste sur les dépenses somptuaires de certains commissaires
lors de congrès ou lors de séjours à l'étranger et
le faible taux de participation aux élections scolaires, l'idée de
l'abolition a fait son chemin sans jamais faire l'objet d'un véritable
débat. Elle revient à l'avant-plan avec l'accession au pouvoir de la
CAQ. Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge
(voir ce blogue, tout un ministre, 23 septembre) peut-être envieux de
la notoriété dont jouit son collègue Simon Jolin-Barrette suite à
l'adoption de la Loi 21, semble avoir l'intention de porter le ballon
jusqu'à l'abolition des commissions scolaires, un
geste politique inconsidéré si l'on songe que le gouvernement envisage
de réouvrir la Loi 101, pourquoi ouvrir deux fronts avec la communauté
anglophone sinon pour rouler des mécaniques et jouer les bravaches
devant l'électorat francophone, à vaincre sans
Périls, on triomphe sans gloire. L'abolition des commissions scolaires
peut attendre, la Loi 101 est essentielle à la survie du Québec
français. En allant de l'avant avec son intention d'abolir les
commissions scolaires Jean-François Roberge fournirait la
preuve qu'il n'est qu'un idéologue après sa volonté d'implanter les
« maternelles quatre ans» sans disposer des locaux et des
enseignants-éducateurs nécessaires à ce projet.
Ne comptons pas sur François Legault et
Jean-François Roberge pour réfléchir aux conséquences de l'abolition
des commissions scolaires au-delà du « doigt d'honneur » fait aux
anglophones du Québec, tentons de faire
l'effort de cette réflexion.
Dans un plan de gouvernance scolaire,
produit par la CAQ, diffusée à compter janvier 2018, Jean-François
Roberge qui n'était à l'époque que critique pour les dossiers
d'immigration de la « deuxième opposition » officielle
écrivait:» Les idées et prises de position de ce document visent à
donner davantage d'autonomie aux écoles afin d'offrir de meilleurs
services aux élèves. Les problèmes de gouvernance des commissions
scolaires et de manque de légitimé des commissaires constituent
des sujets depuis plus de 10 ans. [...] Pourtant, une réforme de la
gouvernance du réseau représente la solution à de nombreux problèmes
structurels qui affligent le système de l'éducation québécois ; au
premier chapitre, les délais pour l'obtention de services
pour nos élèves ainsi que le manque de latitude et de flexibilité dont
pourraient jouir nos écoles et ceux qui y travaillent. [...] Un
gouvernement responsable doit prendre des décisions non pas en fonction
de la prochaine élection, mais en fonction de la prochaine
génération. Cela commencera par remettre l'école entre les mains de sa
communauté. Libre à Jean-François Roberge de pérorer et croire à ses
envolées. Nous demeurons sur notre quant-à-soit et nous nous demandons
quelle sera la portée de cette remise de nos
écoles aux communautés, pas de question sur la nature de ces
communautés. Que représenterons géographiquement ces « communautés »,
villages, villes, arrondissements, quartiers? Seront-elles tributaires
la composition ethnique de l'unité géographique retenue.
Dans son « plan de gouvernance scolaire », J.-F. Roberge écrit qu'il
souhaite remettre entre les l'école entre les mains de sa communauté.
Ses écoles remises « entre les mains de
leur communauté » soulèvent de légitimes questions sur le caractère
national de la formation dispensée par les dites écoles et leurs centres
de services? Question peut-être prématurée
compte tenu de l'état du dossier, comment seront choisis les programmes
et les manuels scolaires, J.-F. Roberge peut-il assurer les élèves
québécois et leurs parents de l'uniformité de la formation reçue à
travers le territoire québécois, uniformité importante
dans le contexte de la mobilité d'une partie de la population
québécoise, uniformité importante aussi lors de la sélection et l'entrée
dans les institutions d'enseignement supérieur (CEGEPs et universités).
Si des réponses satisfaisantes ne sont pas données
à ces questions, l'autonomie se transformera rapidement en atomisation
du réseau d'enseignement québécois (avec autant de formations que
d'établissements et de communautés.). une atomisation qui ne
pourra paradoxalement que renforcer le rôle du ministère
de l'Éducation. Face à ces centres de services, À l'heure actuelle les
commissaires scolaires peuvent encore opposer leur légitimité
démocratique au pouvoir des fonctionnaires du ministère. Cet utile
contrepoids empêche peut-être notre ministère de l'Éducation
de devenir à l'image du ministère de l'Education nationale en France,
un monstre surnommé par certains comme « le Mammouth » en raison de sa
lourdeur. Bien qu'élus par un faible pourcentage d'électeurs, les
commissaires scolaires demeurent imputables devant
les parents, ce qui n'est pas le cas des fonctionnaires du ministère et
il faut craindre que les membres des conseils d'établissements ne
constituent qu'un bien fâlot contrepoids au ministère. C'est pour
défendre une institution de proximité et une manifestation
tangible de subsidiarité (Jean-François Roberge connaît-il le mot?)
qu'il faut défendre les commissions scolaires. C'est aussi pour empêcher
la disparition d'un Québec décentralisé qu'il faut souhaiter la survie
des commissions scolaires (Les centres de services
risquent fort de n'être que des pantins dans les mains du ministère de
l'Éducation). disparues aussi, à la faveur des fusions de
municipalités, de nombreuses municipalités de taille modeste, c'est un
tissu social qui périclite au nom de l'efficacité technocratique
et du «plus c'est gros, plus c'est bon».
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