Wednesday, July 24, 2019

Droit de la famille: quelle direction prendre?


Le ministère de la Justice du Québec a entrepris une réforme du droit de la famille. Quelle direction cette réforme doit-elle prendre ? Il faut d'abord constater que le Code civil du Québec, socle du droit de la famille, ne définit pas la famille et qu'il n'y a probablement pas consensus au Québec sur la définition de la famille. Une famille québécoise a beaucoup changé depuis les années 1960. Le rassurant modèle traditionnel du couple hétérosexuel marié devant monsieur le curé ou le greffier du Palais de justice a du plomb dans l'aile et il n'est probablement pas exagéré d'écrire que l'union de fait est aujourd'hui le modèle favorisé par de nombreux couples de jeunes Québécois, qui affirment ainsi que la cérémonie du mariage religieuse ou civile n'est qu'un accessoire. Ce qui intéresse au premier titre la commission c'est plus la rupture de l'union peu importe la forme qu'elle a pris initialement. La question a été réglée pour les couples mariés avec l'entrée en vigueur du patrimoine familial et les règles de son partage en cas de fin de la vie commune.
 
 
 
Certains souhaiteraient assujettir les conjoints de fait aux règles du patrimoine familial au nom de l'égalité économique des époux et de la protection économique des enfants. Cet encadrement irait jusqu'à imposer aux conjoints de fait l'obligation de choisir un régime matrimonial, rappelons qu'il sont à l'heure actuelle de facto en séparation de biens.  Difficile de ne pas voir dans cette méfiance de certains à l'égard des conjoints de fait une survivance de la vieille méfiance de l'Église catholique à l'égard des « accotés », vivant dans le péché. Finie la liberté pour ces « anarchistes de l'Amour». L'effet indéniable du patrimoine familial sur la nuptialité n'est pas à démontrer, combien de couples ont refusé de se marier devant le fait qu'une fois mariés, ils devraient vivre en cas de rupture  avec le partage du patrimoine familial. L'imposer aux conjoints de fait signifierait probablement qu'à court ou moyen terme nous vivrions dans une société de fuck friends, évitant soigneusement toute forme d'engagement à long terme, société bien peu propice à la relance d'une quelconque forme de natalité. Question accessoire, comment constater l'existence de ces unions de fait soumises au patrimoine familial puisque le propre de la constitution de ces unions est justement de vouloir échapper aux règles. Il est facile d'imaginer le cauchemar bureaucratique que deviendra la preuve de l'existence de ces unions. Et les querelles sans fin sur lesquelles la fin de ces unions déboucheront inévitablement suite à la dénonciation de l'union par l'un des conjoints, celui s'estimant lésé économiquement.
Plutôt que de centrer la réflexion de la commission sur l'égalité économique des conjoints, parlons plutôt de la sécurité économique des enfants. Le Code civil du Québec prévoit déjà la survie de l'obligation alimentaire en faveur du conjoint survivant et des enfants (article 684 et suivants du Code civil du Québec) et les tribunaux québécois se sont prononcés de nombreuses fois sur la question. Ce n'est pas aux enfants, victimes bien involontaires, de parents ayant souhaité vivre «sous le radar» du mariage à payer pour les pots cassés générés par l'insouciance de leurs géniteurs. Force est de constater que la perception et la distribution de ces pensions sera le fait du ministère du Revenu , comme il le fait à l'heure actuelle pour les pensions alimentaires des conjoints divorcés.


Finalement, toutes choses considérées, le statu quo est peut-être la politique à favoriser.

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