Le ministère de la Justice du Québec a
entrepris une réforme du droit de la famille. Quelle direction cette
réforme doit-elle prendre ? Il faut d'abord constater que le Code civil
du Québec, socle du droit de la famille,
ne définit pas la famille et qu'il n'y a probablement pas consensus au
Québec sur la définition de la famille. Une famille québécoise a
beaucoup changé depuis les années 1960. Le rassurant modèle traditionnel
du couple hétérosexuel marié devant monsieur le
curé ou le greffier du Palais de justice a du plomb dans l'aile et il
n'est probablement pas exagéré d'écrire que l'union de fait est
aujourd'hui le modèle favorisé par de nombreux couples de jeunes
Québécois, qui affirment ainsi que la cérémonie du mariage
religieuse ou civile n'est qu'un accessoire. Ce qui intéresse au
premier titre la commission c'est plus la rupture de l'union peu importe
la forme qu'elle a pris initialement. La question a été réglée pour les
couples mariés avec l'entrée en vigueur du patrimoine
familial et les règles de son partage en cas de fin de la vie commune.
Certains souhaiteraient assujettir les
conjoints de fait aux règles du patrimoine familial au nom de l'égalité
économique des époux et de la protection économique des enfants. Cet
encadrement irait jusqu'à imposer aux
conjoints de fait l'obligation de choisir un régime matrimonial,
rappelons qu'il sont à l'heure actuelle
de facto en séparation de biens. Difficile de ne pas voir dans
cette méfiance de certains à l'égard des conjoints de fait une
survivance de la vieille méfiance de l'Église catholique à l'égard des
« accotés », vivant dans le péché. Finie la
liberté pour ces « anarchistes de l'Amour». L'effet indéniable du
patrimoine familial sur la nuptialité n'est pas à démontrer, combien de
couples ont refusé de se marier devant le fait qu'une fois mariés, ils
devraient vivre en cas de rupture avec le partage
du patrimoine familial. L'imposer aux conjoints de fait signifierait
probablement qu'à court ou moyen terme nous vivrions dans une société de
fuck friends, évitant soigneusement toute forme d'engagement à
long terme, société bien peu propice à la relance d'une quelconque forme
de natalité. Question accessoire, comment constater l'existence de ces
unions de fait soumises au patrimoine
familial puisque le propre de la constitution de ces unions est
justement de vouloir échapper aux règles. Il est facile d'imaginer le
cauchemar bureaucratique que deviendra la preuve de l'existence de ces
unions. Et les querelles sans fin sur lesquelles la
fin de ces unions déboucheront inévitablement suite à la dénonciation
de l'union par l'un des conjoints, celui s'estimant lésé économiquement.
Plutôt que de centrer la réflexion de
la commission sur l'égalité économique des conjoints, parlons plutôt de
la sécurité économique des enfants. Le Code civil du Québec prévoit déjà
la survie de l'obligation alimentaire
en faveur du conjoint survivant et des enfants (article 684 et suivants
du
Code civil du Québec) et les tribunaux québécois se sont prononcés
de nombreuses fois sur la question. Ce n'est pas aux enfants, victimes
bien involontaires, de parents ayant souhaité vivre «sous le radar» du
mariage à payer pour les pots cassés générés
par l'insouciance de leurs géniteurs. Force est de constater que la
perception et la distribution de ces pensions sera le fait du ministère
du Revenu , comme il le fait à l'heure actuelle pour les pensions
alimentaires des conjoints divorcés.
Finalement, toutes choses considérées, le
statu quo est peut-être la politique à favoriser.
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