Sunday, June 2, 2019

L'échec de la « génération québécoise »


Le Devoir du 29 mai dernier offrait à ses lecteurs un texte signé par le professeur Louis Bhaltazar(professeur de science politique, Université Laval), texte qui mérite d'être lu, relu et médité tellement il est représentatif de l'esprit d'une fraction de la « génération lyrique» (avec évocation de Jacques Couture et Gérald Godin), cette génération qui a présidé à notre passage de « Canadien-français » à Québécois (L' échec d'une nation québécoise, Le Devoir, 29mai). Baignant dans l'esprit de cette génération, Louis Balthazar écrit : »Au cours des années 1960, les francophones québécois ont voulu se désigner comme Québécois plutôt que comme Canadiens français parce qu'ils voulaient, plus ou moins explicitement, s'en remettre à l'État du Québec pour concevoir leur avenir. Cela ne pouvait signifier que leur conception de l'apparence collective et leur vie sociale était liée au territoire québécois et à tous ceux qui y vivaient . Il fallait donc apprendre à vivre avec les anglophones et les immigrants ». Après cette déclaration que pourrait signer à deux mains un Justin Trudeau, Louis Balthazar se reprend et écrit: »Sans doute fallait-il s'imposer comme majorité, mais il fallait reconnaître les droits des minorités. Il fallait surtout apprendre à dialoguer avec des personnes qui nous paraissaient étrangères à notre société les inclure dans notre conception du Québec moderne. Cela ne s'est pas produit instantanément ni facilement. Trop de mauvais souvenirs d'injustices, d'oppressions et trop de vieux préjugés  nous amenaient à nous penser encore comme Canadiens Français, tout en nous disant Québécois,  voire à faire l'équation entre le Québec et sa majorité francophone. Mais nous avons fait peu à peu de grands progrès, nous sommes devenus assez confiants en nous-mêmes pour reconnaître les citoyens minoritaires comme des citoyens à part entière et partager avec eux notre vie commune et concevoir avec eux une nouvelle vie publique commune.



Sous les dehors d'une savant analyse, Louis Balthazar régurgite tristement tout les lieux communs du nationalisme civique, il ne lui vient pas à l 'idée que cette nation québécoise que les nationalistes des années 1960 entendaient constituer ne pouvait naître qu'en rupture avec la nation canadienne-française et que « faire l'équation entre le Québec et sa majorité francophone » n'est peut être qu'un juste et souhaitable retour des choses. Plutôt que de reconnaître la rupture entre la nation canadienne-française et la nation québécoise une nation québécoise qui ne pouvait avoir en dépit des efforts et de la bonne volonté des Chaput, d'Allemagne et Bourgault la substance et la densité du Canada français avec sa langue, ses institutions, sa résilience(avec la  Survivance), notre histoire commune, sa conquête et son occupation du territoire,  il y a quelque chose de la geste dans l'histoire de la Nouvelle-France et du Canada français. C'est une nation artificielle que nous proposait la « génération lyrique » , on songe à l'URSS constituée sur les ruines de la Russie impériale. Pourquoi vouloir l'indépendance de cette nation avec des anglophones descendants de nos conquérants et occupants et des immigrants, corps étrangers imposés par Ottawa. Appartenir à une nation c'est plus qu'habiter le même territoire, que deviennent l'histoire commune, la langue, la religion dans certains cas, la volonté de vivre en commun, volonté de vivre en commun qui semble bien absente chez les citoyens minoritaires de Louis Balthazar, citoyens qui semblent se satisfaire de vivre en parallèle avec Nous sur le même territoire que Nous, l'appartenance territoriale commune est bien le plus petit commun dénominateur que puisse partager des nationaux avec la déclaration de revenus. Balthazar décidément en verve poursuit en écrivant: « Malgré tout l'idée d'un Québec divers et multi ethnique faisait des progrès jusqu'au tournant du siècle.» Après cette apologie des politiques libérales, Louis Balthazar décoche une flèche à l'Action Démocratique du Québec et à son nationalisme identitaire, nationalisme identitaire adopté par le Parti Québécois après sa défaite de 2007: « Cela nous a valu la charte des valeurs de 2013, et par la suite une conception très étroite du « Nous» québécois.» Déjà, des intellectuels se sont mis à définir la nation en d'autres termes. Tout en admettant que l'État québécois doive être respectueux des minorités, ils accordaient un rôle particulier à la majorité francophone en raison de son enracinement historique.  En d'autres termes, la nation ne pouvait être que canadienne-française même si l'État était pluraliste. La Coalition Avenir Québec représente la forme la plus pure de ce recul vers l'appartenance canadienne-française. Rarement a-t-on vu un gouvernement aussi peu représentatif des minorités. Le présent gouvernement est pratiquement absent de la métropole et des autres centres urbains du Québec . il s'en remet exclusivement à la majorité francophone pour faire des lois qui déplaisent aux minorités. Aucun véritable dialogue avec ces minorités. on oublie qu'une démocratie libérale  ne repose pas sur la loi de la majorité, mais aussi sur les droits des minorités ». Ce n'est pas au Devoir que Luis Balthazar devrait écrire, mais il serait plus avisé de se présenter devant la commission parlementaire sur le projet de loi 21.

Louis Balthazar est probablement trop occupé par son enseignement et ses publications pour prendre les quelque minutes nécessaires à la lecture de « Notes sur René Lévesque et le traditionalisme canadien-français »,  texte de l'historien Xavier Gélinas, (paru dans Alexandre Stefanescu (dir. René Lévesque:Mythes et réalité,Montréal, VLB Éditeur. 2008, 249 p.). XavierGélinas écrit: Robert Comeau et Mathieu Bock-Côté font presque cavalier seul en écrivant tout récemment qu'[e]ntre le nationalisme canadien-français et le nationalisme québécois, on retrouve une continuité conceptuelle et historique indéniable. » Tout politicologue qu'il soit Louis Balthazar, oublie un peu commodément que la Coalition Avenir Québec a présenté des candidats dans toute les circonscriptions du Québec et que ce sont ses « minorités » qui ont choisi de mettre leurs oeufs dans le même panier en votant pour le Parti Libéral du Québec. Ce n'est pas avec des colonisés comme Louis Balthazard que le Québec pouvait espérer faire son indépendance.

No comments:

Post a Comment