Robert Mugabe vient de s'éteindre,
L'ex-président du Zimbabwe s'est éteint dans un hôpital de Singapour à
l'âge de 95 ans. L'Agence France-Presse écrit: »L'ancien président
zimbabwéen Robert Mugabe, héros de l'indépendance
qui a dirigé d'une main de fer son pays de 1980 à 2017, est décédé à 95
ans, suscitant une vague d'hommages à un « champion » de la lutte
contre le colonialisme.» (L'ancien président du Zimbabwe Robert Mugabe
est mort à 95 ans,
Le Devoir, 6 septembre). L'heure est à la brosse à reluire chez
les leaders africains: « Un « leader exceptionnel» et un « combattant de
la libération champion de la cause de l'Afrique contre le
colonialisme » a réagi le président sud-africain
Cyril Ramaphosa [...] (L'ancien président du Zimbabwe Robert Mugabe est
mort à 95 ans,
Le Devoir, 6 septembre).
Robert Mugabe a sa « place[...] dans
les annales de l'histoire africaine « pour son combat pour la
libération de l'Afrique et pour sa défense courageuse du continent », a
estimé, dans la même veine le président zambien,
Edgar Lungu ». Ces éloges sont-elles sincères, ces dirigeants ne
sont-ils pas en train d'écrire le brouillon de ce qu'ils souhaitent
eux-mêmes recevoir comme éloge funèbre, le débat est ouvert? L'AFP,
heureusement ne cède pas à ces débordements de flatteries
inconsidérées, le communiqué de l'agence note: « Au Zimbabwe, embourbé
dans une crise économique depuis des décennies, héritage de Robert
Mugabe, la population continuait vendredi à vaquer à ses occupations
comme si de rien n'était.» Crise économique attribuable
dans une large mesure au défunt lui-même: »Robert Mugabe avait lancé,
au début des années 2000, une réforme agraire controversée,
officiellement destinée à redistribuer à la majorité noire les terres
agricoles principalement aux mains des Blancs.» Le décès
de Robert Mugabe devrait être l'occasion d'une réflexion sur
l'histoire de l'Afrique et des jeunes États africains, tant l'histoire
du Zimbabwe apparaît emblématique de celle de plusieurs autres États
africains.La mémoire de Robert Mugabe pourra rejoindre
l' »Olympe » des « pères de L'Indépendance et champions de la lutte
contre le colonialisme». Mugabe pourra ainsi prendre place aux côtés
d'autres autocrates comme lui tels les Jomo Kenyatta, Julius Nyerere,
Joseph-Désiré Mobutu , Idi Amin Dada. Réunis par
une commune volonté de s'accrocher au pouvoir, une notoire inaptitude à
maintenir le niveau de vie de leurs concitoyens ou à les enrichir, un
enrichissement qu'il semble considérer comme leur revenant en propre
(voir Mobutu et peut-être dans quelques mois
Mugabe lui-même, le bilan de son règne demeure à faire), la gabegie, le
clientélisme, le tribalisme ainsi qu'une propension aux coups d'États
et aux partis uniques. L'actuel président du Zimbabwe, Emmerson
Mnangagwa a salué ainsi Le décès de Robert Mugabe: »C'est
avec la plus grande tristesse que j'annonce le décès du père fondateur
du Zimbabwe et de l'ancien président , le commandant Robert Mugabe».
Intéressante cette réécriture de l'histoire, Robert Mugabe n'a pas fondé
le Zimbabwe, un Zimbabwe qui politiquement
n'existait pas avant l'arrivée des Britanniques. Mugabe s'est contenté
de rebaptiser la Rhodésie. Les Cecil Rhodes et Ian Smith sont
probablement n'en déplaise à Mnangagwa plus dignes de porter le titre de
pères fondateurs du Zimbabwe. En cela Mugabe n'a fait
que suivre les traces de Kwame Nkrumah transformant la colonie
britannique de la Côte d'Or, (Gold Coast)
en Ghana, même démarche chez un Mobutu, rebaptisant le Congo
Kinshasa en Zaïre. Au-delà des éloges funèbres volontiers laudatrices,
le décès de Robert Mugabe devrait surtout nous permettre de nous
rappeler que les Mugabe de ce continent ont en commun, (tout
« père fondateur » qu'il fut Robert Mugabe a été renversé par un coup
d'État mené à l'initiative d'Emmerson Mnangagwa en 2017) et la violence
intérieure ( qui a songé à rappeler la guerre civile de 1982-1983 alors
que Mugabe qui appartient à l'ethnie shona
lance l'armée zimbabwéenne, en partie encadrée par des instructeurs
Nord-Coréens contre l'ethnie Ndébélé dans le Matabeleland, guerre
ethnico-civile causant entre 10 000 et 20 000 morts. Cette histoire là
ne sera pas écrite, les Occidentaux de gauche préfèrent
celle d'un Nelson Mandela javélisé et idéalisé. Histoire qui ne sera
pas non plus écrite, celle des occasions manquées par l'occident sur le
continent africain, qu'ils suffisent de mentionner les noms de Moïse
Tshombé au Katanga pendant la crise entourant
l'indépendance du Congo, du général Ojukwu pendant la brève existence
du Biafra et celui de Leader de l'UNITA angolais, Jonas Savimbi ,
luttant contre les marxistes du Mouvement populaire de libération de
l'Angola (MPLA) et leurs alliés Cubains,dernier de
ces « trahis » par l'Occident, Mangosuthu Buthelezi, dirigeant de
l'Inkhata à dominante zouloue, larguée par les Tatcher et Mulroney au
profit de Nelson Mandela. René Dumont écrivait en 1962 que «L'Afrique
noire était mal partie », nous serions tenté d'écrire
qu'elle n'est pas prête d'arriver.
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