L'affaire
Mark Ward\ Jérémy Gabriel est devant les tribunaux depuis quelques
années et elle y restera encore quelques années. Le Tribunal des droits
de la personne a d'abord condamné Mike Ward à verser 35 000$ à Jérémy
Gabriel et 7000$ à sa mère décision portée en appel, décision maintenue
par la Cour d'appel pource qui est de la somme à verser à Jérémy
Gabriel. Il y a quelques jours, la Cour d'appel a jugé que les blagues
de l'humoriste avaient un caractère discriminatoire. Décidément
pugnaces, l'humoriste et son avocat, Me Julius Grey, sont désormais
disposés à se rendre en Cour suprême pour défendre la liberté
d'expression. Chacun pourra juger si cette affaire mérite d'être tenue
comme emblématique de la liberté d'expression, curieuse liberté
d'expression que celle qui autoriserait des blagues discutables contre
un jeune handicapé, à ceux-là, il est possible répondre que la liberté
d'expression est indivisible et qu'elle ne doit pas être tributaire des
domaines d'exercice, certains plus nobles que d'autres, la liberté
d'expression en matière de recherche historique par exemple.
L'affaire
Ward\Gabriel soulève des questions relatives à la liberté d'expression,
mais aussi à l'humour, est-il possible de rire de tout?
La chroniqueuse du Devoir,
Odile Tremblay, apporte une curieuse réponse à cette question.
«L'humour est en constante évolution, quoi qu'en en dise. Les
caricatures sur les juifs cupides aux nez crochus qui foisonnaient dans
les journaux européens jusqu'à la fin de la dernière guerre mondiale
n'ont plus cours. Les blagues sur les bamboulas et les bougnoles devant
lesquelles se tordaient les publics des anciennes colonies et des
contrées au passé esclavagiste, ne sont pas tolérées comme jadis.
[...]Les gays sont moins raillés qu'autrefois après avoir fait valoir
leurs droits sur la place publique» (Par delà l'affaire Jérémy Gabriel, 5
décembre). Personne à la rédaction du Devoir n'a jugé bon de
faire remarquer à Odile Tremblay que les termes «bamboulas» «bougnoles»
sont éminemment insultants et blessants pour les gens d'origine
africaine pour les premiers et d'origine maghrébine pour les seconds et
que le temps d'une chronique elle se transforme élue-même en Mike Ward.
pour faire bonne mesure, il ne manque à cette brève énumération que la
mention de «ratons», si Me Tremblay devait s'engager dans cette voie,
prévenons le contentieux du Devoir qu'il pourrait à son tour se
retrouver devant le tribunal des droits de la personne. Pour les
« bamboulas », la situation est moins claire et il semblerait que
l'humour demeure possible si vous êtes le fils d'un ancien premier
ministre et vous-même premier ministre. Pour ce qui est des gays,
difficile de ne pas penser cependant que dans le cas des gays nous ne
sommes pas en face d'un repli du «type silo», seul les humoristes gays
semblant avoir conservé le droit de rire des gays, une analyse même
sommaire des prestations d'un Alexandre Perron permettrait probablement
de vérifier cette intuition. Combien temps sera-t-il encore possible de
faire des blagues sur les femmes, les Noirs, les Arabes, les Musulmans,
les homosexuels? Au rythme ou vont les choses, le dernier objet de
moquerie possible sera le responsable de tous les malheurs de ce monde;
l'homme blanc hétérosexuel.
Pour
illustrer sa conviction que l'humour est en «évolution constante»,
Madame Tremblay ayant gratté les fonds de tiroir de sa culture
historique ne trouve rien de plus convaincant que de jouer avec le point
Goodwin, Assimiler Mike Ward à Julius Streicher et un peu fort de café.
Encore que voir Me Julius Grey défendre Mike Streicher ne manque pas
d'ironie. Sans s'égarer dans dans les méandres des « heures sombres de
l'Europe» et dans ceux du colonialisme, Mme Tremblay en demeurant au
Québec aurait trouvé amplement de munitions pour alimenter sa réflexion
illustrer son propos sur.
Une
allusion aux Cyniques des années 1960 avec leur humour anti clérical
étroitement associé au climat de la Révolution tranquille aurait suffi à
faire comprendre ce phénomène de « l'humour en constante évolution ».
Encore qu'à bien y penser, il soit assez facile de retrouver dans
l'humour québécois actuel, des blagues anti catholiques. L'humour évolue
peut-être, mais il n'évite pas toujours la facilité.
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