L'évolution
du langage est un phénomène passionnant à observer, passionnant et
révélateur. Nous somme ainsi passés progressivement d'euthanasie à
«suicide assisté», pour nous retrouver aujourd'hui à «l'aide médicale à
mourir», sans que cela semble provoquer beaucoup de réactions L'église
catholique s'est montrée plutôt discrète et les médecins se sont surtout
préoccupés de se prémunir contre d'éventuelles poursuites. La voie
était ouverte.
Sous
le délicat euphémisme d'»aide médicale à mourir» qui s'est imposé dans
les médias, Ottawa et Québec ont vraisemblablement ouvert, sans état
d'âme la porte à l'euthanasie des personnes âgées, des handicapés, etc.
Dans ce mutisme de nos médias, la récente chronique de Mathieu Bock-Côté
(MBC) doit être notée et saluée. «Au moment de voter la loi encadrant
«le droit à mourir dans la dignité», ses promoteurs ont voulu rassurer
ceux qui confessaient quelques réserves: ce droit serait très balisé,
et il serait exercé de manière limitée, pour éviter qu'il ne se
banalise. Il y avait néanmoins dans l'air un inquiétant parfum
d'enthousiasme.» (Mourir dans la dignité: la dérive Journal de Montréal 16 décembre).
« Comme
s'il s'agissait d'une merveilleuse journée, et qu'on ne touchait pas à
quelque chose de sacré «en faisant d'une forme d'euthanasie un geste
médical parmi d'autres, peut-être le plus noble qui soit, puisqu'il
consacrerait le droit de chacun à la maîtrise ultime de sa propre vie».
Il faudrait demander aux historiens si le jour du verdict du dernier
arrêt Morgentaler (le 26 janvier 1988)fut aussi vécu à l'époque comme
«une merveilleuse journée» Revenons à MBC, «Il ne fallait pas être devin
pour savoir, toutefois que les balises entourant ce droit tomberaient
rapidement. Dès lors qu'un principe s'impose dans une société, il a
tendance à se radicaliser, à aller jusqu'au bout de lui-même. Le droit
de mourir dans la dignité s'appliquait aux malades en phase terminale
victimes de terribles souffrances. On a voulu l'étendre. Puis l'étendre
encore. L'argument est le suivant:qui souffre de problèmes mentaux
graves souffre autant que celui qui souffre physiquement. [...] Mais
telle n'était pas la fonction initiale de cette loi. Elle devait,
redisons-le, abréger les souffrances atroces d'une personne en fin de
vie.» « Chose certaine, nous nous en rapprochons. Car on trouve derrière
l'extension du droit au suicide assisté une tendance lourde de notre
temps, soit un individualisme qui tend à sacraliser et absolutiser le
désir de chaque personne , quelqu'il soit. Et on en arrivera , tôt ou
tard, à un monde ou chacun pourra réclamer soit à l'État, soit aux
entreprises qui s »'en feront une spécialité, le droit de l'aider à
mettre fin à ses jours.»
Certains
répondront à MBC que nous n'en sommes pas encore là et que, pour
l'heure, au Canada et au Québec; le droit de mourir dans la dignité
demeure l'apanage de la profession médicale. Seuls les médecins peuvent
agir comme exécutants, nous n'osons écrire comme exécuteurs.Pas
d'entreprises, pour l'heure, mais c'est oublier bien vite l'histoire de
Manon Brunelle et de sa mort dans la dignité en Suisse, en 2004, grâce
au bons offices de la clinique Dignitas. l'affaire avait à l'époque,
l'objet d'une documentaire intitulé Manon qui avait suscité de vifs débats ici en son temps.
Combien
de temps avant que des entrepreneurs ne veuillent prendre le relais de
médecins que l'on nous présentera comme débordés et indisponibles.
Les
«valeurs» de notre société «avancée» se rapprochent de plus en plus de
celles des régimes totalitaires ayant existé au milieu du siècle
précédent.
Comparaison
qui choquera, mais qui est plus juste que nous voudrions le
reconnaître. Afin de demeurer dans notre siècle , il serait intéressant
de connaître la situation de l'»aide médicale à mourir» dans des pays
comme la République populaire de Chine et la République démocratique de
Corée du Nord.
L' "aide
médicale à mourir" s'inscrit aussi sans difficultés dans un contexte
capitaliste avec son souci de larguer les «bouches inutiles» n'étant
plus ou pas en mesure de contribuer à l'économie, comme producteurs ou
comme consommateurs.
L'intention
est louable, mais l'efficacité de l'initiative n'est pas garantie.Au
rythme ou vont les choses et les balises sautant les unes après les
autres, combien de temps avant que l'injection «libératrice» ne puisse
être obtenue sur simple demande. Les individus pourront mourir dans la
dignité, mais notre société pourra elle mourir dans l'indignité!
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