Monday, August 11, 2025

Selon que vous serez riche ou misérable...

  ... les jugements de cour vous rendront blanc ou noir


Mes lecteurs auront reconnu dans ces quelques lignes, un extrait de la fable, Les animaux malades de la peste du grand fabuliste, Jean de La Fontaine. Un Jean de La Fontaine qui a, hier matin (6 août) également inspiré un Mathieu Bock-Côté intitulant sa chronique quotidienne du Journal de Montréal: Selon que vous êtes blanc ou noir, votre peine sera plus ou moins sévère. Qu’est-ce qui explique cette ce regain d’intérêt pour le fabuliste?

« Une décision récente rendue fin juillet au palais de justice de Longueuil, la juge Magali Lepage (Cour du Québec NDA)a condamné l’accusé Frank Parris à 24 mois de prison  dans une affaire de trafic de cannabis et de haschich. Ce dernier avait déjà plaidé coupable. Jusqu’ici, rien d’inhabituel. Or pour déterminer sa peine, la juge a considéré la jurisprudence, une analyse de la presse , une balance des facteurs aggravants et atténuants… mais aussi une évaluation de l’impact de l’origine ethnique ou culturelle (EIOEC), une analyse particulière qui se penche sur le parcours personnel d’un criminel à travers la loupe des barrières systémiques auxquelles il a pu faire face. Après lecture de l’évaluation, la juge a décidé d’accepter la suggestion de la défense, presque un an plus courte que celle dela poursuite. Il s’agit d’une première au Québec. Aucun juge québécois n’avait considéré une EIOEC dans la détermination d‘une peine jusqu’au 28 juillet dernier. La décision risque donc de faire jurisprudence dans le contexte québécois. De telles procédures existent depuis 2014, ailleurs au Canada.Qu’est-ce qu’ une EIOEC? Une EIOEC est un rapport présentenciel d’

experts qui est utilisé pour déterminé la peine d’une personne racisée -mais qui est surtout utilisée pour les personnes noires . Elle est donc déposée après qu’un accusé est reconnu coupable , mais avant que la peine soit déterminée. Le rapport fait un examen exhaustif du parcours de l’accusé, avec une insistance sur les «réalités propres» aux personnes racisées, à la «discrimination systémique» qu’elles ont vécues et aux défis spécifiques auxquels elles sont plus exposées (plus bas taux de diplomatie, plus grande proportion de familles monoparentales et de père absent, plus grand risque de vivre dans des quartiers défavorisés ou criminalisés. etc,),

 

Magali Lepage

 

 

On considère qe ces facteurs , plus présent chez les Noirs, mènent plus facilement à la criminalité. Comme l’explique Me Valérie Black St-Laurent, avocate et directrice des opérations chez Jurigo, «l’objectif d’une EIOEC, c’est vraiment d’informer la Cour pour contextualiser le parcours de la personne qui se trouve devant elle et qu’elle puisse rendre une peine qui qui est juste» et individualisée, comme le prévoit le Code criminel. 

« C’et individualisé, il reste que les statistiques montrent que tout le groupe des personnes noires est victime de discrimination» renchérit Karine Millaire, professeure adjointe à la faculté de droit de l’Université de Montréal, « Il faut tenir compte du fait qu’il y a une  surincarcération des personnes noires qui est issue du fait que notre système est aussi discriminatoire», dit-elle.

Dans le cas de Frank Paris, le rapport rappelle qu’il a grandi sans son père et que la monoparentalité est beaucoup plus importante chez les Noirs du Canada que chez d’autres groupes. L’EIOEC soulève également son enfance à Côte-des-Neiges, à Montréal, un «quartier défavorisé caractérisé par la pauvreté et le crime», et ou «il y a du profilage racial».

Sans faire de diagnostic, les autrices du rapportarguent aussi pour que soit considérée «la possibilité de syndrome post-traumatique(TSPT)» associé au « traumatisme intergénérationnel de l’esclavage » en Nouvelle-Écosse -«d’ou vient sa mère» - dans l’appréciation du parcours de vie de M. Paris, et donc dans sa peine.

La Nouvelle Écosse compte une population noire historique issue de l’esclavage. Même s’il est né au Québec, les visites fréquentes de M. Paris dans la famille de sa mère «ont forgé une expérience d’homme noir diverse, enracinée dans les églises noires» de cette province, peut-on lire dans le rapport. 

[…]Dans sa décision, la juge écrit qu’après la lecture de l’EIOEC, «la Cour a décidé de réduire sentence qui devrait être de 35 mois à une sentence de 24mois», comme le voulait la défense - une peine déjà purgée en détention préventive.  Elle a aussi ajouté une probation trois ans. « Nous devons apprendre. Nous devons nous adapter », écrit la juge Lepage.» (Une première peine adaptée aux criminels  racisés au Québec, La Presse, 5 août). Difficile de ne pas conclure que l’EIOEC ne s’inscrit pas dans le droit fil du wokisme le plus radical. 

Mathieu Bock-Côté ne s’y est pas trompé lorsqu’il écrit: «Cela nous rappelle que l’université comme la justice, est dominée par une idéologie de gauche radicale, qui aime se grimer avec les parures de la science ou de la rigueur intellectuelle, mais qui, dans les faits, sape les fondements de notre société. L’État lui-même a intériorisé cette idéologie. Une telle décision de justice nous montre à quel point nous sommes enfoncés dans ce marais idéologique qui relève du multiculturalisme radical  et du radicalisme le plus régressif, […]Ne soyons pas surpris que la confiance dans le système de justice s’émousse,»(Selon que vous êtes blanc ou noir, votre peine sera plus ou moins sévère, Journal de Montréal, 6 août).

Voilà pour les aspects intellectuels de l’histoire, qu’en est-il des suspects légaux?

Le gouvernement Legault s’est voulu rassurant: «Le gouvernement Legault a dénoncé, mercredi, l’imposition d’une peine réduite tenant compte des discriminations systémiques auxquelles été confronté un criminel racisé. Pour le ministre responsable de la Lutte contre le racisme Christopher Skeete, il s’agit d’une «triste première au Québec»[…]»Bien que nous respections pleinement l’indépendance judiciaire , ce jugement soulève des questions fondamentales sur l’égalité des citoyens devant la justice. Créer deux classes de citoyens, selon leur origine est préoccupant», écrit le ministre Skeete sur la plateforme X. Le ministre ajoute que «le système de justice québécois doit demeure juste et impartial». «L’idée que l’origine ethnique puisse influencer la sévérité d’une peine remet en question le principe fondamental d’égalité devant la loi, estime-t-il. Nous appelons à une réflexion collective sur les implications de cette décision. »(Criminel racisé: Québec dénonce la sentence réduite en raison du racisme systémique, TVA Nouvelles, 6 août). Sans attendre, Québec doit porter en appel cette décision et couper l’herbe sous les pieds des juges qui songeraient à s’inspirer de la juge LePage et qui seraient tentés d’utiliser la grille EIOEC.

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