Jean
Raspail nous a quitté le 13 juin.Jean Raspail n'était pas un Marc Lévy
ou un Michel Houellebecq et, en toute honnêteté, une séance de dédicaces
du dernier Raspail dans une librairie de Montréal ou de Québec n'aurait
pas susciter d'attroupement ou de bousculade. À moins qu'un torchon
de gauche ou un journaux de gauche n'ait mentionné la présence en ville
du «raciste» auteur du Camp des Saints. Pourtant chez ceux qui ont le
privilège de connaître son oeuvre, la mention du nom de Jean Raspail est
indissociable de celle de son ouvrage le plus connu, Le Camp des Saints,
roman prophétique, paru en 1973, une oeuvre qui suffirait à elle seule è
assurer la réputation d'un auteur, réputation sulfureuse certes, mais
réputation tout de même. Une bonne façon d'aller à la rencontre de
l'oeuvre de Raspail est de faire la lecture de Jean Raspail, miroir
d'une oeuvre, (1)
Plus de quarante ans après sa publication, Le Camp des Saints,
devrait être une lecture obligatoire pour tous nos dirigeants
politiques, une lecture précédée ou suivie de celle non moins
obligatoire du célèbre discours de 1968 Rivers of Blood(1), du
député conservateur anglais Enoch Powell, 'immigration de masse
non-européenne inassimilable avait trouvé ses Cassandre, l'un et l'autre
lucides comme la fille de Priam et, comme elle condamnés à ne pas être
écoutés
Un livre comme Le Camp des Saints
aurait largement suffi à assurer la renommée de son auteur. Jean
Raspail a fait plus, il a écrit depuis 1973, une oeuvre romanesque,
riche, dense, exigeante, cohérente, quelquefois désespérante, mais
toujours passionnante.
Madeleine
Roussel s'est intéressée à cette oeuvre romanesque(2) et a cartographié
pour nous le monde raspailien. Le point de départ en est son aversion
pour le monde moderne, une aversion qui prend sa source dans¨...
l'attachement profond qu'il voue à la civilisation occidentale,
européenne, chrétienne, catholique même plus précisément.¨(3)
Cette
aversion explique aussi les évasions qui caractérisent l'oeuvre de
Raspail, Mme Roussel évoque avec intelligence ces « portes de sorties",
dans l'espace, dans le temps et dans l'imaginaire qui permettent à
Raspail,et avec lui, à ses lecteurs, de quitter eux aussi momentanément
un monde matérialiste et individualiste, un monde qui abandonne sans
beaucoup de remords des siècles de culture et de traditions.
Ces
modes d'évasion ne sont pas mutuellement exclusifs. Romancier de
talent, Raspail les mêle avec une part plus ou moins grande de réalité.
Ces lecteurs comprennent rapidement que la Patagonie, si importante dans
son oeuvre, constitue ainsi une triple évasion, géographique,
temporelle et imaginaire, oscillant entre rêve et réalité. Les mêmes
considérations s'appliquent à la famille von Pikkendorf, pure création
de Raspail, cette famille allemande, mais profondément européenne évolue
avec une totale liberté dans le temps et dans l'espace, à travers des
évènements bien réels eux, du Mexique de 1863 (l'aventure de l'empereur
Maximilien) à la France de mai 1940, de l'Allemagne de l'automne de 1944
aux derniers combats de l'Indochine française.
L'aversion
qu'éprouve Raspail pour notre époque réside aussi dans le fait qu'à ses
yeux la société occidentale contemporaine mène une guerre de tous les
instants contre le sacré. ac ontrario, Raspail, recherche ce sacré mis
sur la touche par trop de nos contemporains (sans qu'ils en semblent
trop malheureux d'ailleurs, ce qui est peut-être le symptôme le plus
inquiétant de notre époque). Son catholicisme, mais aussi une vie
d'ethnologue, ont préparé Raspail à accueillir les signes et les
manifestations du sacré. Lieux chargés de prières, objets vénérés au
cours des siècles, solitaires ayant valeurs de témoins (comme dans L'Anneau du Pêcheur),
signes incompréhensibles et décelables uniquement par celui qui veut
écouter, le romancier leur confère l'asile diplomatique dans son
imaginaire Patagonie qui sera peut-être leur dernier sanctuaire dans une
époque froide et sans âme.
Madeleine
Roussel s'intéresse finalement à la conception du « trône et de
l'autel » chez son sujet. Les lecteurs y découvriront, sans surprises à
ce point, un auteur royaliste et réactionnaire. Pourtant Raspail n'est
pas un militant et il ne prend pas parti entre les différents
prétendants au trône de France. il ne suggère d'ailleurs aucune
restauration, bien conscient que la royauté qu'il appelle de ses voeux
dans Sire et Le roi au delà de la mer est aux antipodes des valeurs de la société française de 2015.
il
y a plusieurs années un journaliste a qualifié Raspail d''écrivain
crépusculaire », il est vrai que les héros de ce dernier défendent des
mondes sur le poing de s'éteindre et qu'ils y a rarement des vainqueurs
dans ces livres. Ces vaincus sont cependant magnifiques, ils ne
montrent aucune amertume et meurent sans colère sachant que leur destin
est de partir en témoins avec l'espoir de « faire école » et d'éveiller
quelques âmes fortes.
Toute
l'oeuvre de Raspail est une oeuvre profondément politique (4).
L' »observation quasi-scientifique qu'il fait de la décadence de
l'Occident est fondamentalement politique, Le dernier carré du Camp des Saints, les sept cavaliers qui quittent la ville (5), les compagnons du jeune prétendant de Sire, les passagers du train de Septentrion
ont vocation à être plus que simples créations romanesques. Ils
résistent, s'opposent, s'évadent en dernière instance... et nous
appellent à faire de même, Raspail, à l'instar de Maurras croit que le
désespoir est une sottise absolue, il suffit de quelques âmes...
Pour
ceux qui aiment l'oeuvre de Jean Raspail, le livre de Madeleine Roussel
est une invitation à relire les classiques de l'auteur, pour les
autres, cet ouvrage devrait être une invitation à découvrir cette
oeuvre.
À tous, lançons ce cri de ralliement: « Patagons de tous les pays, unissez-vous ».
À noter, l'un des récits de voyages de Raspail est une évocation de l'Amérique française, en effet, En canot sur les chemins d'eau du roi, une aventure en Amérique est
la relation de sa descente duSaint-Laurent, des grands Lacs, puis du
Mississippi jusqu'à la Nouvelle-Orléans, alors qu'il était scout
routier.
(1) Madeleine Roussel: Jean Raspail, miroir d'une oeuvre, Le Barroux, Éditions Sainte-Madeleine, 2010, 90 pages
(2) Oeuvre romanesque car Raspail est aussi auteur de récits de voyage.
(3) Jean Raspail, miroir d'une oeuvre, page 14
(4)
Au-delà des prises de position dans ses romans, Jean Raspail a aussi
très clairement parti sur l'état de la France dans un texte paru dans le
quotidien Le Figaro du 17 juin 3004: La patrie trahie par la République
(5) Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule per la porte de l'Ouest qui n'étaient pas gardée.
(6) Jean raspail.net
Rock Tousignant
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