L'exercice
revient à chaque début d'année, apparemment inutile d'une année à
l'autre, puisque les choses changent peu. Les critiques du BYE BYE
constituent un matériel dont les média écrits ne semblent pas être en
mesure de se priver alors que l'actualité fonctionne au ralenti (congé
parlementaire, accalmie sur le front des activités culturelles, etc.).
Cette
année, les média se sont particulièrement intéressés à la cuvée 2019 du
BYE BYE. Curiosité d'autant plus surprenante que nous n'avons pas eu
droit à une cuvée exceptionnelle. À défaut de sortir du lot, le BYE BYE
2019 était cependant révélateur de l'état de la société québécoise.
Force nous est bien de constater l'importance de la télévision dans
notre imaginaire, ou pour être plus précis, de la publicité
télévisuelle:«[...] Tous les Québécois et toutes les Québécoises sont
unis par au moins une chose. Laquelle ? Tous les Québécois et toutes les
Québécoises sont unis par le dégout que leur inspire la tabarouette de
publicité sur la mycose des ongles qui, a ce stade-ci, a probablement
fait plus de ravages que la mycose des ongles elle-même.» (Bye Bye 2019:
tous unis par la mycose des ongles , Le Devoir, 1er janvier).
Autre sketch ayant suscité un intérêt disproportionné celui de la chaîne
A&W («On se demande bien, en tous cas, ce que le pauvre Michel
Olivier Girard, l'acteur figurant dans les publicités de la chaîne de
restauration rapide A & W a fait pour qu'on l'humilie à ce point (Le Devoir, idem. Et aussi, Sympathie pour le gars des burgers, La Presse,
3 janvier. S'érigeant en vigilant gardien de la rectitude politique, Le
Devoir n'oublie pas de nous rappeller qu'il est de mauvais ton de
blaguer sur la «diversité», «Et il est temps que l'on cesse de penser
que d'ajouter des lettres à l'acronyme LBGTQ-LGBTQR2D2, vraiment? génère
miraculeusement ce qu'il convient d'appeler une blague.» Nous voilà
prévenus sur les nouvelles vaches sacrées. Mention spéciale au trop bref
sketch sur Madame Coucou de Passe-Partout et son homosexualité
et la leçon qu'elle donne à Prunelle et Pruneau sur L'hétérosexualité
normative. Mention spéciale, aussi encore là au sketch trop bref, sur la
visite de Greta Thunberg à Montréal et la Marche sur le climat, belle
occasion de rire de Dominic Champagne et du Pacte de transition,
présentant Dominic Champagne en véritable m'as-tu vu de la lutte aux
changements climatiques), Amusant, mais encore un peu léger, le sketch
sur la vedette américaine Céline Dion, une Céline Dion de plus déjantée.
Au visionnement du BYE BYE 2019, force était de comprendre que
l'actualité socio-politique, pourtant année d'élections fédérales et de
réforme du droit de l'immigration et d'adoption de la Loi 21,
rassemblait moins que les publicités sur la Mycose des ongles. Pauvre
Québec. Devant cet état de choses, faut-il en conclure, qu'il n'y a plus
vraiment de société québécoise, mais autant de sociétés québécoises
qu'il y a d'écrans de télévision au Québec. Devrons-nous nous résoudre à
dire adieu à tout projet collectif?
La
formule des revues de fin d'année a-t-elle fait son temps, l'abondance
des humoristes fait-elle qu'il est de plus en plus difficile de
présenter une revue d'ensemble de l'année écoulée. Une réponse nous
est-elle partiellement fournie par le sketch sur le black face de
Justin Trudeau et la difficile réunion de production précédant sa
production avec débat sur les questions de censure, de racisme, et
d'appropriation culturelle? Allons-nous vers des revues de fin d'année
aseptisées?
Le
BYE BYE a atteint l'âge vénérable de cinquante ans (sa diffusion ayant
débuté en 1968), le temps est peut-être venu de passer à autre chose.
Attendant peut-être son heure dans la coulisse, la formule malgré les
difficultés annuelles du BYE BYE n'est pas sur le point de disparaître
avec les Infoman de Jean-René Dufort, un Jean-René Dufort qui
fait dans l'irrévérence facile de potache depuis des années avec ses
cravates laides et sa garde-robe de vestons sciemment mal ajustés et de
bas censément drôles, il faudrait probablement songer à une date de
péremption pour Dufort, il y a longtemps qu'il n'est plus drôle et qu'il
fait montre d'une remarquable complaisance à l'endroit des hommes
politiques en place: »On est tu ben juste en coton ouaté? Jean-René
Dufort pourra désormais répondre mieux que quiconque à cette
insignifiante question, le super-héros de l'information ayant mis à
l'épreuve les limites du décorum prévalant à l'Assemblée nationale, en
se présentant devant son président François Paradis vêtu d'un complet
entièrement taillé en gros coton mou. Un François Paradis se prêtant
complaisamment à l'exercice en s'affublant lui-même d'un coton ouaté
gris. [Toujours sur Justin Trudeau] Par delà leur ton bon enfant, ces
échanges auront encore une fois été révélateurs. Que Justin Trudeau ait
exigé que l'animateur se présente devant lui avec une vraie cravate (pas
une laide) en dit long sur la frayeur que provoquent maintenant les
costumes au 24, Sussex. La preuve que l'obéissance, pour le fou du roi
astucieux, est parfois moins un compromis , qu'une stratégie.» (Le Devoir,
idem Nous ne croyons pas à cette frayeur, mais nous croyons volontiers à
l'obséquité de Jean-René Dufort. Jean-René Dufort n'est pas un « fou de
roi astucieux », mais un courtisan habile. Si le journaliste considère
cela comme de la stratégie, nous lui signalons qu'il y a plusieurs
stratèges à l'intersection montréalaise des rues Sainte-Catherine et
Saint-Laurent. L'équipe de À la semaine prochaine, émission sur les ondes de Ici Radio Canada Première chaîne, nous offrait Un spécial intitulé pour l'occasion À l'année prochaine, un
prétendant que son humour radio-canadien et nettement platoïde pourrait
disqualifier. Si les auteurs des revues télévisuelles de fin d'année
doivent peser chaque mot et chaque séquence afin de n'offenser personne
et se contenter de brocarder les publicités les plus diffusées au petit
écran.
Il faudra conclure que le temps de dire Bye Bye BYE BYE est peut-être venu.
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