Wednesday, February 3, 2021

Le mot en «N»

 


Visiblement, chacun aura son tour, L'Université d'Ottawa a eu le sien avec le professeur Vérushka Lieutenant-Duval. C'est maintenant à l'université McGill à vivre son moment «mot en N».  Encore une fois, l'incident est venu d'étudiants «sensibles» ayant dénoncé leur enseignante à l'administration de l'Université. L'incident est: "l'histoire d'une jeune chargée de cours, brillante et passionnée, qui se retrouve en pleine tourmente. Ça se passe l'automne dernier à l'Université McGill. Le cours est une introduction à la littérature québécoise. L'enseignante a sélectionné huit romans, anciens et contemporains. Réjean Ducharme. Anne Hébert. De grands classiques . Des incontournables. son premier texte est aussi le plus ancien: Forestiers et voyageurs, écrit en 1863 par Joseph-Charles Taché. Un roman folklorique qui parle de graveurs , de trappeurs de bûcherons. En classe virtuelle, la prof se fait interpeller. «Madame, Madame, le mot!» L'enseignante ne comprend pas tout de suite. À Ottawa, l'affaire Lieutenant-Duval n'a pas encore éclaté. «Page 99», lui indique l'étudiante. La prof se rend à la page. La survole du regard. Cherche «le mot». Lequel? Elle ne sait pas trop. Mais elle sent une angoisse sourde monter en elle. soudain, ça lui saute aux yeux. Il est là écrit en toutes lettres. Pendant leur séjour en forêt, les trappeurs canadiens-français ont «travaillé comme des nègres». L'enseignante-qui a requis l'anonymat parce qu'elle craint les répercussions d'une sortie publique sur sa carrière- se confond immédiatement en excuses. Mais la tension monte. Le malaise, aussi, elle est en train de perdre le contrôle de sa classe. Des étudiants s'indignent de la présence du mot dans l'oeuvre . Ils lui reprochent de ne pas les avoir prévenus ; ils n'étaient pas prêts à ce choc émotionnel. Ils remettent son jugement en cause. La prof perd pied. «Le stress monte à un point ou l'on n'est plus maître de soi-même, raconte-t-elle. c'est vraiment dans les pires minutes de ma vie.» Elle tente d'expliquer. de justifier.C'est une expression qui reflète les mentalités de l'époque. bafouille-t-elle. Et en bafouillant...le mot tabou lui glisse des lèvres. «Madaaame!Vous venez de le dire! C'est inexcusable, une Blanche ne doit jamais prononcer ce mot!»Les étudiants ferment leur micro et leur caméra les uns après les autres. À la fin, la prof se retrouve seule . Abasourdie. [...] Si ce n'était «que» ça, je ne vous aurait pas raconté cette histoire. Après les douloureux débats de l'automne , a-t-on vraiment besoin d'une autre affaire Lieutenant-Duval? Le problème, c'est que la liberté universitaire continue d'être attaquée. Les profs d'université sont inquiets Et le traitements de cette affaire par McGill-au moment même ou l'affaire Lieutenant-Duval faisait rage- n'a pas de quoi les rassurer. à McGill, les hautes instances ont tout fait pour mettre le couvercle sur la marmite, à-coups d'accommodements raisonnables accordés aux étudiants. Elles ont réussi avec brio. La gestion de crise a été admirable. Mais à quel prix? Peut-on parler d'accommodements quand on offre à des étudiants en littérature... de ne pas lire les oeuvres au programme? Le vice-doyen à l'enseignement a toujours été «très gentil» avec l'enseignante qualifiée de raciste par une poignée d'étudiants. Le problème est ailleurs. «Son approche n'était pas punitive. Il voulait plutôt m'aider à reprendre le contrôle de ma classe.» Il lui a donc conseillé de passer en revue les romans au programme et d'anticiper les mots qui risquaient d'offenser les étudiants.  Elle l'a fait. Des huit romans, sept contenaient des mots qui ont terriblement mal vieilli. Le «mot qui commence par N» bien sûr. Plus souvent, «le mot qui commence par «S» pour sauvage: »quand on parle des Autochtones dans les textes québécois, jusque dans les années 1960, c'est le mot qui est là.» Elle aurait voulu leur expliquer. Mettre en contexte. Mais elle s'est tue pour s'éviter des problèmes. Certains lui ont échappé. Un «mot qui commence par N» dans Les fous de Bassan, d'Anne Hébert (1982). Un autre dans L'hiver de force, de Réjean Ducharme (1973). Tout l'automne, elle a vécu dans la crainte d'un autre dérapage. Le vice-doyen lui a conseillé non seulement de prévenir ses étudiants de sauter des pages, voire de ne pas lire des oeuvres entières»  (Les mots tabous, encore, La Presse, 29 janvier)
 

 
 
Curieuse solution en définitive, solution facile surtout, solution qui consiste à accepter que les futurs diplômés de l'Université puisse recevoir une formation incomplète. Il faut souhaiter que cette solution demeure cantonnés aux études littéraires et qu'elle ne gagne pas les facultés de médecine et de génie.
Ce qu'il constater surtout c'est que McGill a rendu les armes les armes devant quelques activistes et que se sont eux qui désormais décident du contenu des cours. 
Mieux, ces activistes trouvent en la personne du vice-doyen à l'enseignement un complice objectif lorsqu'il offre de «sauter des pages, voire de ne pas lire des oeuvres entières»

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