Visiblement,
chacun aura son tour, L'Université d'Ottawa a eu le sien avec le
professeur Vérushka Lieutenant-Duval. C'est maintenant à l'université
McGill à vivre son moment «mot en N». Encore une fois, l'incident est
venu d'étudiants «sensibles» ayant dénoncé leur enseignante à
l'administration de l'Université. L'incident est: "l'histoire d'une
jeune chargée de cours, brillante et passionnée, qui se retrouve en
pleine tourmente. Ça se passe l'automne dernier à l'Université McGill.
Le cours est une introduction à la littérature québécoise. L'enseignante
a sélectionné huit romans, anciens et contemporains. Réjean Ducharme.
Anne Hébert. De grands classiques . Des incontournables. son premier
texte est aussi le plus ancien: Forestiers et voyageurs, écrit en
1863 par Joseph-Charles Taché. Un roman folklorique qui parle de
graveurs , de trappeurs de bûcherons. En classe virtuelle, la prof se
fait interpeller. «Madame, Madame, le mot!» L'enseignante ne comprend
pas tout de suite. À Ottawa, l'affaire Lieutenant-Duval n'a pas encore
éclaté. «Page 99», lui indique l'étudiante. La prof se rend à la page.
La survole du regard. Cherche «le mot». Lequel? Elle ne sait pas trop.
Mais elle sent une angoisse sourde monter en elle. soudain, ça lui saute
aux yeux. Il est là écrit en toutes lettres. Pendant leur séjour en
forêt, les trappeurs canadiens-français ont «travaillé comme des
nègres». L'enseignante-qui a requis l'anonymat parce qu'elle craint les
répercussions d'une sortie publique sur sa carrière- se confond
immédiatement en excuses. Mais la tension monte. Le malaise, aussi, elle
est en train de perdre le contrôle de sa classe. Des étudiants
s'indignent de la présence du mot dans l'oeuvre . Ils lui reprochent de
ne pas les avoir prévenus ; ils n'étaient pas prêts à ce choc
émotionnel. Ils remettent son jugement en cause. La prof perd pied. «Le
stress monte à un point ou l'on n'est plus maître de soi-même,
raconte-t-elle. c'est vraiment dans les pires minutes de ma vie.» Elle
tente d'expliquer. de justifier.C'est une expression qui reflète les
mentalités de l'époque. bafouille-t-elle. Et en bafouillant...le mot
tabou lui glisse des lèvres. «Madaaame!Vous venez de le dire! C'est
inexcusable, une Blanche ne doit jamais prononcer ce mot!»Les étudiants
ferment leur micro et leur caméra les uns après les autres. À la fin, la
prof se retrouve seule . Abasourdie. [...] Si ce n'était «que» ça, je
ne vous aurait pas raconté cette histoire. Après les douloureux débats
de l'automne , a-t-on vraiment besoin d'une autre affaire
Lieutenant-Duval? Le problème, c'est que la liberté universitaire
continue d'être attaquée. Les profs d'université sont inquiets Et le
traitements de cette affaire par McGill-au moment même ou l'affaire
Lieutenant-Duval faisait rage- n'a pas de quoi les rassurer. à McGill,
les hautes instances ont tout fait pour mettre le couvercle sur la
marmite, à-coups d'accommodements raisonnables accordés aux étudiants.
Elles ont réussi avec brio. La gestion de crise a été admirable. Mais à
quel prix? Peut-on parler d'accommodements quand on offre à des
étudiants en littérature... de ne pas lire les oeuvres au programme? Le
vice-doyen à l'enseignement a toujours été «très gentil» avec
l'enseignante qualifiée de raciste par une poignée d'étudiants. Le
problème est ailleurs. «Son approche n'était pas punitive. Il voulait
plutôt m'aider à reprendre le contrôle de ma classe.» Il lui a donc
conseillé de passer en revue les romans au programme et d'anticiper les
mots qui risquaient d'offenser les étudiants. Elle l'a fait. Des huit
romans, sept contenaient des mots qui ont terriblement mal vieilli. Le
«mot qui commence par N» bien sûr. Plus souvent, «le mot qui commence
par «S» pour sauvage: »quand on parle des Autochtones dans les textes
québécois, jusque dans les années 1960, c'est le mot qui est là.» Elle
aurait voulu leur expliquer. Mettre en contexte. Mais elle s'est tue
pour s'éviter des problèmes. Certains lui ont échappé. Un «mot qui
commence par N» dans Les fous de Bassan, d'Anne Hébert (1982). Un autre dans L'hiver de force, de
Réjean Ducharme (1973). Tout l'automne, elle a vécu dans la crainte
d'un autre dérapage. Le vice-doyen lui a conseillé non seulement de
prévenir ses étudiants de sauter des pages, voire de ne pas lire des
oeuvres entières» (Les mots tabous, encore, La Presse, 29 janvier)
Curieuse
solution en définitive, solution facile surtout, solution qui consiste à
accepter que les futurs diplômés de l'Université puisse recevoir une
formation incomplète. Il faut souhaiter que cette solution demeure
cantonnés aux études littéraires et qu'elle ne gagne pas les facultés de
médecine et de génie.
Ce
qu'il constater surtout c'est que McGill a rendu les armes les armes
devant quelques activistes et que se sont eux qui désormais décident du
contenu des cours.
Mieux,
ces activistes trouvent en la personne du vice-doyen à l'enseignement
un complice objectif lorsqu'il offre de «sauter des pages, voire de ne
pas lire des oeuvres entières»
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