Le
capitaine Haddock file allègrement sur ses 80 ans. À une époque
aseptisée par la rectitude politique et les progrès de l'idéologie woke,
il n'est pas inutile de saluer le tonitruant et impulsif capitaine.
Amateur de whisky devant l'Éternel, fumeur de pipe (les héritiers
d'Hergé ayant eu l'intelligence et le courage de ne pas remplacer la
pipe par un brin de paille, comme pour le pauvre Lucky Luke, colérique
(mais au combien créatif dans ses colères, les lecteurs de Tintin se
souviennent tous de ses bachi-bouzouks, Tonnerre de Brest et mille
millions de mille sabords), grossier et si peu féministe, les lecteurs
de Tintin devenus barbus avec l'âge se sont tous souvenus un soir de la
question que lance le capitaine Allan à Haddock dans Le Crabe aux pinces d'or, lorsqu'il lui demande : «dors-tu avec la barbe sur les couvertures ou sous les couvertures». Il
faut voir la place des femmes dans l'univers de Tintin et le traitement
qu'il réserve à la Castafiore (dans le cas du Rossignol milanais, il ne
faut peut-être pas exclure un soupçon de grossophobie chez Haddock. Né
en janvier 1943 et apparu dans l'album Le crabe aux pinces d'or, Haddock
est un homme du XXe siècle, ceux qui ne l'apprécient pas diront de lui
que c'est un homme du XIXe siècle, si ce n'est des cavernes.
Au crédit du capitaine, la libération des esclaves noirs dans Coke en stock et un esprit aventureux démontré dans Objectif Lune et On a marché sur la Lune. L'accueil qu'il offre à Tryphon Tournesol à son château de Moulinsart dans L'affaire Tournesol. On ne peut que souhaiter que le Capitaine avec tous ces défauts\qualités échappent encore à la cancel culture et continue d'offrir à ces lecteurs le portrait d'un homme imparfait, mais brouillon et spontané, et surtout non-conformiste.
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