La Maison Bleue, série
produite par KOTV et réalisée par Ricardo Trogi entend s'intéresser aux
possibles péripéties connues par le quatrième président et son
entourage immédiat de la République du Québec de 2020, République née en
1995 car les Québécois auraient alors voté Oui au référendum. Série à
prétentions politiques, mais aussi à prétentions humoristiques, il
s'agit d'une deuxième sur les ondes québécoises. Deuxième car il faut
tenir compte de l'existence de la série Monsieur le ministre diffusée
par Radio Canada entre 1982 et 1985, série plus axée sur les
conséquences de la vie politique de Monsieur le ministre interprété par
Michel Dumont sur sa vie personnelle et familiale, le texte était
l'oeuvre de Solange Chaput-Rolland et Michèle Bazin. La Maison Bleue n'est pas au sens propre diffusée sur les ondes québécoises, mais sur internet et disponible sur IciTouTV.
Sur
le mode de la comédie, comédie un peu lourde, le critique du Journal de
Montréal (Marc-André Lemieux) ne si est pas trompé lorsqu'il
écrit:»[...] La Maison Bleue: une comédie franche et
assumée. C'est gros, gros, gros. Certains gags rentrent au poste,
d'autres moins. (Nouvelle série: faut-il être souverainiste ou
fédéraliste pour apprécier La Maison-Bleue, Le Journal de Montréal, 11 février). Opinion partagée au Devoir ou
Philippe Papineau écrit:»Se servir du politique pour rire de notre
société et de nos travers ? C'est là le nerf de la guerre pour la
nouvelle série réalisée par Ricardo Troigi La maison Bleue , une
«pure comédie»qui nous plonge dans la garde rapprochée - assez
dysfonctionnelle - du quatrième président de la république du
Québec.[...] pour donner une idée du niveau d'humour volontairement
«très épais et assumé» dixit Morissette.»(« La Maison bleue»: bienvenue
dans la (dysfonctionnelle) République du Québec, Le Devoir, 12
février). Une série offerte par IciTouTV (propriété de Radio-Canada)
pouvait difficilement offrir une série présentant le Québec indépendant
sous un jour favorable. Était-il pour autant nécessaire de brosser le
portrait de ce que certains tiendront pour une République de bananes.
Morissette et son complice François Avard ont fait pire, l'auditeur aura
le sentiment d'être plongé au coeur d'un pays peuplé d'Elvis Gratton
ayant finalement résolu ses questions identitaires.
La Maison Bleue
entend présenter ce que pourrait être l'hypothétique République du
Québec en 2020, un Québec devenu indépendant car le camp du Oui l'a
emporté (avec 50,2% des suffrages),au soir du 30 octobre1995. les
scénaristes et le réalisateur (Ricardo Troigi, réalisateur, Québec Montréal,1981, 1987, 1991)
ont choisi de traiter le tout en comédie. Choix qui peut se défendre,
la politique n'a jamais vraiment été un sujet vraiment traité sur les
ondes québécoises, la comédie est donc une façon de séduire et de
retenir les téléspectateurs «apolitiques». ce choix permet à la série de
faire l'économie d'un choix entre la droite et la gauche, et divers
projets de société, etc. Des choix que scénariste et réalisateur
tenaient manifestement tenu à éviter:»Bien quelle dépeigne un univers
parallèle dans lequel l'option du «oui»a remporté le référendum de 1995,
la nouvelle série de Ricardo Trogi (1981, Le Mirage)n'aborde
aucune question sociale. Elle préfère s'en tenir aux thèmes classiques
des sitcoms pour provoquer des rires: chicanes de voisin, problèmes
maritaux, soucis familiaux, etc. » ()Nouvelle série, op.cité). Le
président de ce Québec indépendant est interprété par Guy Nadon, il
donne à son personnage une certaine prestance, en d'autres temps, un
temps que les moins de quarante ans n'ont pas connu, un tel rôle aurait
pu être confié sans peine à Jean Duceppe ou à un Gilles Pelletier. Le
personnage est présenté, comédie oblige, comme un gaffeur. Premier
reproche «sérieux» à cette comédie, les deux hommes présentés comme
l'ayant précédé dans le fauteuil de président de la République, Jacques
Parizeau et Lucien Bouchard sont tout sauf des gaffeurs, les Québécois
ont certes voté pour un Justin Trudeau, mais les premiers ministres
qu'ils se sont donnés ont généralement été des hommes dignes et des
gestionnaires sérieux à défaut d'être toujours efficaces, mais la
dignité et le sérieux ne font pas nécessairement bon ménage avec la
comédie. Même un Philippe Couillard malgré sa tendance à donner des
leçons et son multiculturalisme savait accorder son comportement à la
dignité de la fonction.
La Première dame, interprétée par Anne-Marie Cadieux, une Première dame présentée par Le Devoir
comme une «espèce de Jackie Kennedy des pauvres» dont la gestuelle est à
l'occasion celle d'un sous-produit de Céline Dion. La Première dame
éprouve certains problèmes avec la langue anglaise, difficile de ne pas
penser à Pauline Marois.
Époque
oblige, président et la Première Dame sont parents d'une adolescente
(Anyjeanne Savaria), visiblement adoptée en Chine ou au Vietnam. la
série paye ainsi son tribut à la diversité.
Deuxième
reproche «sérieux», la série fait la part belle au vieux fond anti
militariste de l'intelligentsia québécoise. Les militaires de l'armée de
la République du Québec sont présentés comme des idiots et des simples
d'esprit.
Le
choix de Louis Morissette comme maître d'oeuvre du projet indique
d'entrée de jeu que nous ne nous éloignerons pas du niveau d'un BYE BYE.
Il annonce la couleur lorsqu'il déclare:» Le but n'est pas de juger nos
partis politiques actuels, réécrire l'histoire, prendre position et
véhiculer une philosophie.»(Nouvelle série, op.cité) Avec Louis
Morissette, la tentation de la facilité n'est jamais loin, il faut aller
d'emblée à la grosse farce de premier degré, aucun effort chez
Morissette pour tenter d'élever son auditoire. Exemple de cette
facilité; mettre dans la bouche du président Jacques Hamelin (Guy
Nadon), une réplique comme:«Nous sommes quelque chose comme un grand
peuple», réplique empruntée à René Lévesque et qui autorise peut-être
Louis Morissette à se croire doté d'une culture politico historique.
Aurons-nous droit si une seconde saison est annoncée au non moins
facile; «Si je vous ait bien compris, vous me dites à la prochaine fois.
Illustration de la facilité à laquelle Morissette cède visiblement sans
difficultés, ceux qui visionneront La Maison Bleue, devront bien
constater que la culture politique de Louis Morissette semble se
limiter à une connaissance superficielle de la politique américaine, il
en va de la Maison Bleue comme de la Maison Blanche, Le bureau
présidentiel est le bureau ovale et la République du Québec est dotée
d'un vice-président, alors que la France et l'Allemagne n'ont rien de
tel. Autre exemple de facilité, mais là, on nous répondra que nous
sommes dans une comédie, la comédie n'exclut pas un minimum de
vraisemblance. »La culture pop québécoise fait l'objet de nombreux clins
d'oeil réussis, comme cette idée d'effectuer une refonte des billets de
banque en apposant des visages «qui sauront rejoindre la nouvelle
génération», comme Maripier Morin, Guy A. Lepage et Guy Laliberté.
S'agit-il de rejoindre la « nouvelle génération» ou de prendre la mesure
de l'insondable inculture de Louis Morissette.
Autre
invraisemblance, La République du Québec ne dispose pas d'une marine ou
même d'une Garde côtière digne de ce nom, l'humour est une chose, la
géographie en est une autre. L'indépendance ne modifiera pas l'important
littoral du Québec.
Le
public québécois est probablement prêt et assez sophistiqué pour une
série vraiment politique, si l'auditoire américain est capable de
visionner et d'apprécier pendant des années, une série comme House of cards,
il n'y a pas de raison pour laquelle nous n'aurions pas droit à une
série politique sérieuse ce qui n'empêche le recours à des moments plus
légers. Autre exemple, britannique celui-là, de série politique de haut
vol, The Bodyguard disponible ici sur Netflix. Il est évident
qu'une telle série ne pourrait être produite par Radio Canada,
prenons-nous à rêver à un Télé Québec audacieux se lançant dans un tel
projet.
Que
dire en guise de conclusion? Revenons à la question du Journal de
Montréal, faut-il être souverainiste ou fédéraliste pour apprécier la
Maison Bleue? Ma conjointe qui a le sens de l'humour et sait faire la
part des choses a répondu à cette question sans le savoir en me disant
après l'écoute de la série: «Ça ne me donne pas le goût de vivre dans un
Québec indépendant.» Était-ce l'objectif subliminal visé par les
Morissette et Troigi?
Les
lacunes de la série nous permettent de tenter de combler les vides de
la séries.En ce sens, La Maison bleue peut être vue comme un canevas.
Ainsi à l'invraisemblance d'un Etat considérant devoir changer ses
billets de banque après 25 ans d'indépendance, il est possible de
pallier aux faiblesses du scénario, plutôt que les Maripier Morin et Guy
A.Lepage proposés, propositions écartées dans un éclair de lucidité par
le président Hamelin par un définitif «me niaisez-vous?» Dans ce trou
du scénario, allons-y de nos propositions, pour ma part, cette refonte
après un quart de siècle d'indépendance deviendrait l'occasion de rendre
hommage aux premiers présidents de la République (Jacques Parizeau et
Lucien Bouchard) et RenéLévesque si ce n'est déjà fait. Dans les «trous»
du scénario de la Maison Bleue, je me prend à rêver à des billets à
l'effigie de Jean Lesage pour le «maître chez nous» et Daniel Johnson
pour le «Égalité ou indépendance»,sans oublier évidemment Maurice
Duplessis pour «notre butin».. Pour revenir aux années 1960, on peut
penser à un billet à l'effigie de Pierre Bourgault et de la tête de
bélier du R.I.N., pourquoi ne pas en profiter pour rendre hommage à des
pionniers comme Marcel Chaput et Raymond Barbeau. Plus historique et
culturel, il ne faudrait pas nous priver d'un billet à l'effigie du
chanoine Lionel Groulx et des grands intendants et gouverneurs qui ont
fait la Nouvelle France, tels Jean-Talon et Frontenac ou de nos grands
explorateurs, Joliet, le père Marquette. Toutes les propositions sont
les bienvenues.
Si
l'auditeur veut voir La Maison Bleue, comme un canevas sur lequel il
peut broder à sa guise et selon son imagination; avenue à explorer, les
forces politiques québécoises, Morissette ne réussissant à nous
présenter que le parti au pouvoir, Nation Québec, et le Bloc Canadien
favorable au retour du Québec dans la Confédération. La série, à ce prix
seulement, peut valoir le détour. À chacun de réécrire la série.
Question qui tue pour une série qui se veut humoristique, La Maison
Bleue fait-elle rire? La série arrache quelques sourires, mais, à mon
avis, pas de grands et francs éclats de rire.
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