La proposition du président Macron
d'instaurer une armée européenne ne demeurera peut-être dans les
mémoires que comme le prétexte d'un tweet rageur du président américain.
Donald Trump s'en prenait à une idée injuste
et, revenant à une de ses vieilles idées, sommait plutôt les États
européens d'augmenter leurs contributions financières à l'OTAN. Question
peu susceptible d'effleurer l'esprit nationaliste président américain,
pourquoi les Européens devraient-il payer pour
les troupes d'occupation américaines. L'Europe a largement payé sa
contribution à l'OTAN en demeurant pendant plus d'un demi-siècle, le
tampon entre l'Union soviétique et les États-Unis. Dans ce conflit qui
n'a pas eu lieu heureusement, ce sont les plaines
ouest-allemandes, françaises et belges qui auraient été ravagées par
les artilleries et les blindés des deux protagonistes. les combats se
seraient déroulés en sol européen et les chances qu'ils se déplacent en
sol américain minimes. les Européens en vivant
pendant ce -demi-siècles sous la menace soviétique ont largement payé
leur dû à l'Otan. on peut penser que s'affrontant en terre européenne
et non sur le sol national les deux protagonistes n'auraient pas hésité à
avoir recours à des armes nucléaires tactiques,
envisageant sans trop de scrupules, la nucléarisation de villes
européennes, Bruxelles permettant d'épargner Minsk et Cologne payant
pour Kiev, la lutte se déroulant en sol européen, nous n'avons pas à
parler des villes américaines. Scénario de science-fiction,
mais parfaitement envisageable dans le contexte de la Guerre froide.
Idée apparemment généreuse dans les
jours précédant la commémoration du centième anniversaire de l'armistice
et de la fin de la Grande Guerre, idée visiblement dans la ligne des
velléités multilatéralistes du président
français. L'idée sera-t-elle oubliée par le président Macron,
sera-t-elle développée, de toute façon le président français a eu son
cinq minutes d'attention médiatique et il faudra voir s'il reviendra sur
cette idée? Après sa déclaration sur notre époque
qui voyait se lever des menaces qui lui rappelaient les « années 1930 »
et celle sur le Maréchal Pétain et l'Armistice, peut-être le président
Macron apprendra-t-il à se taire? S'il revient sur l'idée, le président
Macron devra plancher sur l'Europe à laquelle
il fait référence, la Grande Europe qui a suivi la Drang nach Osten
de la fin des années 1990, avec l'entrée de la Pologne et de la Hongrie
dans l'OTAN et de la Roumanie et des républiques baltes en 2004. Se
contentera-t-il d'une armée européenne
limitée à la « petite Europe » des projet de communauté européenne de
défense C.E.D., du début des années 1950 (France, Allemagne, Italie,
Belgique Pays-bas, Luxembourg)?
La constitution d'une armée européenne
entrainerait-elle le départ des pays européens (lesquels) de l'OTAN et à
terme sa dissolution, es dirigeants est-européens s'inquiètent de la
montée en puissance de la Russie et
se montrent volontiers plus pro-américains que les Européens de
l'ouest? On voit mal l'intérêt de garder l'OTAN vivante avec les seuls
États-Unis et Canada, déjà liés par le NORAD pour la défense du
continent américain, les Américains n'ayant pas besoin de
nous pour se défendre, contre qui?
Mal formulée la proposition macronienne
parle de défense de l'Europe contre « La Chine, la Russie et les
État-Unis », Aucun des trois « méchants » de la proposition du
président français ne peut être sérieusement considérée
comme une menace militaire pour l'Europe. La Chine est à des milliers
de kilomètres de l'Europe, n'a pas de frontières communes avec le
continent européen à moins de considérer que les troupes de l'Empire du
Milieu n'envahissent le territoire russe pour atteindre
l'Europe, le conflit qui résulterait d'une telle invasion nous
plongerait dans un troisième conflit mondial nous menant à nous
interroger sur le rôle d'une armée européenne. Si la Chine représente
une menace pour l'Europe, c'est une menace économique et ce
n'est pas l'armée européenne qui protégera l'Europe. La menace russe
est probablement illusoire elle aussi et n'est que le recyclage facile
de la menace soviétique de la Guerre froide, une menace qu'un camp
belliciste, nostalgique de la Guerre froide entretient
volontiers, il n'est pas évident de sortir des vieux plis de la
géopolitique et de la réflexion stratégique même pour un président
jupitérien comme Emmanuel Macron. Pour la menace américaine, la question
géographique se pose elle aussi, s'il y a guerre , elle
est économique comme avec la Chine, s'il y a guerre, elle est déjà
engagée et mal engagée, sinon perdue, pour l'Europe; il s'agit d'une
guerre culturelle qui se dispute sur les ondes européennes et dans les
bacs des disquaires, dans les salles de cinémas
et de spectacles, sur Youtube et Netflix. Pourquoi chercher la guerre
avec l'Europe alors que le fruit est mur et beaucoup plus intéressant
comme consommateur consentant de sous-culture américaine.
L'armée européenne du président Macron
soulève d'autres questions que « Manu » n'a visiblement pas envisagées.
le départ des Européens entraînera-t-il
de facto le démantèlement de l'Organisation, un démantèlement qui
aurait dû être de l'ordre des choses après celui du Pacte de Varsovie, à
moins que l'OTAN ne survive comme commandement intégré des forces
américaines stationnées en Europe et
l'armée européenne, la « force de frappe »française sera-t-elle placée
sous l'autorité de cette armée européenne, la même question se pose par
les armes atomiques britanniques, une armée européenne suppose une
autorité politiques centrale. Pour revenir à la
question de « quels Européens »participeraient à l'initiative
macronienne, il faut s'interroger sur quelles seront les frontières que
le président français attribuent à l'Europe, celles de l'Union
européenne ou du Conseil de l'Europe ou celles de la composante
européenne de l'OTAN. Dans les trois cas, des contingents issus des
républiques baltes seraient appelés à joindre les rangs de cette armée
européenne. L'armée européenne serait au contact des frontières russes,
perspective qui n'a rien pour enchanter une
Russie déjà méfiante par ce qui peut lui apparaître comme une « marche
vers l'Est » avec l'affaire ukrainienne. La protection de l'Europe
contre la « menace» russe pourrait devenir une réalité non pas en raison
des ambitions russes, mais des erreurs politiques
« européennes ». L'armée européenne ne sera pas l'Europe, mais cette
armée transnationale pourrait s'avérer un formidable creuset afin de
faire naître une conscience et une volonté européenne européenne chez
les jeunes conscrits ou volontaires (à préciser).
L'évocation rapide des républiques baltes ne doit pas faire oublier que
la Finlande est aussi membre du Conseil de l'Europe parmi les États
limitrophes de la Russie mentionnons la Pologne, membre de l'OTAN, les
Polonais, invités ou non à faire partie de l'armée
européenne.? Cas Problématiques, la Turquie, membre de longue date de
l'OTAN, mais candidate régulièrement écartée de l'adhésion à la
Communauté européenne et le Belarus, état-candidat au Conseil de
l'Europe. tout compte fait, il faut craindre que l'armée
européenne ne se transforme en « Machin » pour emprunter une expression
au général de Gaulle.
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