Nous
avons appris cette semaine que Québec solidaire (QS) entendait devenir
un «parti de gouvernement». J’étais heureusement bien assis et je ne me
suis pas trouvé le cul par terre et les quatre fers en l’air. Je croyais
dans ma naïveté, j’assumais en vertu de cette même naïveté que
l’essence même d’un parti politique était d’accéder au gouvernement
(i.e., le pouvoir) et d’en utiliser les leviers pour mettre en oeuvre
son programme. Il est vrai que, depuis sa création en 2006, QS est
toujours apparu comme un OVNI dans le firmament politique québécois,
avec ses co-porte-paroles en lieu et place d’un chef. La place prise par
Gabriel Nadeau-Dubois (GND) dans le fonctionnement de QS inscrivait QS
dans le sillage du «printemps érable», c’est à dire celui d’une gauche
utopiste. C’est dans le droit fil de cette gauche utopiste que QS
apparaît aujourd’hui aux yeux de la majorité des Québécois comme une
créature immigrationniste et wokiste géographiquement et politiquement
limitée au plateau Mont-Royal et aux villes universitaires du Québec
(Québecpour Catherine Dorion et Sol Zanetti), Sherbrooke (pour Christine
Labrie), Rouyn-Noranda (pour Émelyse Lessard-Therrien,). Rien pour
aspirer à être un «parti de gouvernement»
La
déclaration de Gabriel Nadeau -Dubois (GND) soulève bien entendu des
questions. Dans cette perspective, quelle a été, et quelle est , et
quelle sera l’utilité de QS?
Grosso modo,
plusieurs présentaient la «crise» comme le prélude à un affrontement
entre «Professionnels» et «poètes»de QS. Afin de devenir un pragmatique
«Parti de gouvernement», QS devrait remettre son sort entre les mains de
professionnels et se dégager de l’influence des «poètes». Pour être
clair, journalistes, analystes et chroniqueurs nous donnaient comme
exemple de «poètes», la députée solidaire de Taschereau, Catherine
Dorion et pour faire bonne mesure, incluait Émelyse Lessard-Therrien
(ÉLT), dans cette catégorie; curieuse poète d’ailleurs que cette ÉLT,
abitibienne de naissance, retournée dans sa région après ses études à
Montréal ce qui déjà est rare et digne d’admiration, agricultrice,
jouant volontiers les Diane en chassant l’orignal et heureuse
utilisatrice d’un pickup Ford-150.Ce sont des «poètes» comme ÉLT qui permettront à QS de prendre pied dans les régions.
Je
ne suis pas sûr de bien comprendre de quoi l’on parle lorsque l’on
parle de professionnalisation. Il agit probablement de «normaliser» QS
et d’en faire un parti politique comme les autres? Un parti rêvant de
devenir un«parti de gouvernement», organisé autour de ses bag men,
de ses sondeurs, et de ses spécialistes en communication. Les militants
et sympathisants de QS souhaitent-ils voir leur parti devenir un «parti
de gouvernement».
Si
QS persiste sur sa lancée actuelle, il lui faudra se résoudre à
demeurer un parti d’extrême gauche groupusculaire condamné à jouer les
troisième opposition. Ce qui serait déjà bien assez. En souhaitant voir
QS devenir un «parti de gouvernement», GND songeait-il à La maladie infantile du communisme:le gauchisme, cet
ouvrage de Lénine dans lequel Vladimir Ilitch, fustige les communistes
«purs»qui refusent les compromis tactiques au profit de l’intransigeance
théorique. Pour les «purs» de QS le désir de GND de voir QS devenir un
«Parti de gouvernement» est-il l’un de ces inacceptables «compromis
tactiques»? Nous aurons la réponse cette question à la fin du mois de
mai, lors du Congrès nationale Qs à Jonquière. Faut-il être surpris de
cette crise qui secoue QS? Un peu tout de même, le parti entre les mains
de GND et Manon Massé coulait des jours tranquilles à la gauche du
spectre politique québécois.
A contrario
de tous, un homme au Québec affirme ne pas être surpris par la
tourmente que traverse actuellement QS. Cet homme, c’est le chroniqueur
Joseph Facal du Journal de Montréal, pour lui la crise solidaire ne peut
être pleinement comprise que si elle est inscrite dans l’histoire de la
gauche radicale. Il écrit: «Les analyses qu’on nous sert sur la crise
en cours à Québec solidaire restent à la surface des choses.
Centralisation autour de Nadeau-Dubois, boys’ club, souci de l’image.
élus vs bénévoles, urbains contre régionaux, etc. tout cela est vrai ,
mais partiel. On pourrait ajouter d’autres causes aux difficultés:
étiquette souverainiste mais base fédéralisme , volte-face sur la
laïcité, allergie à l’identité québécoise, etc. Vrai également, mais
partiel aussi. Ves guerres intestines sont récurrentes, inscrites dans
les gènes de l’extrême-gauche». ( Crise à QS: c’était écrit dans le
ciel, Journal de Montréal, 6 mai). Afin d’illustrer son
propos, Joseph Facal écrit: « Dès le départ, même s’ils ne sont qu’une
poignée, Marx ferraille contre les impurs qui ne pensent pas comme lui.
En Russie, Lénine et son aile bolchévique se battent conte les
menchéviks de Martov, réformistes et étapistes, au sein du même parti.
[…] J’étais étudiant à l’UQAM au début des années 1980. Les communistes
d’En Lutte se battaient contre les communistes du PCO (le parti
communiste ouvrier, NDA), contre les communistes du PCCML (Parti
communiste du Canada marxiste léniniste, NDA), contre les trotskystes.
En Amérique du Nord, au Canada, au Québec, il n’y a jamais eu de parti
de gauche de masse, mais plutôt une longue série de querelles intestines
et de fausses couches.»
Si
nous faisons notre cette perspective, force est de conclure que QS
pourra difficilement changer de nature. Quel QS sortira du Conseil
national qui se tiendra à Saguenay à la fin de mai? Si GND devait gagner
son pari et que QS devient le parti «pragmatique» souhaité par ce
dernier, la méfiance demeurerait de règle, un loup revêtu d’une peau de
mouton demeure toujours un loup. QS revêtu d’une peau de mouton
demeurera toujours QS.
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